- même lorsque les chroniqueurs sy sont intéressés, les descriptions cliniques quils ont données ne permettent de reconnaître à coup sûr la peste aviaire vraie : rappelons que, même actuellement, il faut attendre plusieurs jours, la confirmation du laboratoire pour porter un diagnostic dinfluenza aviaire « H5N1 », car ses symptômes ne sont pas toujours univoques. De lantiquité à nos jours : mortalité massive périodique des oiseaux
Dès lAntiquité, les oiseaux ont en effet fasciné lhomme, et leur observation par les augures était un vrai métier dans tout le bassin méditerranéen. Cest dailleurs à eux que se réfère le récit de Plutarque concernant la mort dAlexandre le Grand (en 323 av.J.-C.). Daprès deux auteurs américains, John Marr et Charles Callisbert (4), lobservation rapportée par Plutarque, de la mort de nombreux corbeaux atteints dune maladie nerveuse et de celle du Roi atteint des mêmes symptômes, signerait une atteinte par le virus de la fièvre du Nil occidental (« West Nile virus ») : ceci prouve lintérêt porté depuis des temps très reculés, aux maladies des oiseaux et à leurs liens éventuels avec celles des hommes.
- dans lAntiquité : mortalité concomitante du bétail, de lhomme et des oiseaux en 1200 av.J.-C., en 430 av.J.-C., (« Peste dAthènes »), en 218 av.J.-C., en 43 av.J.-C. (décrite par Virgile) etc (1) ; - en 671 : mortalité massive de différentes volailles en Angleterre ; - en 1286 : mortalité subite des oiseaux sur tout le territoire autrichien, « les oiseaux petits et grands tombaient morts (...) et cest à peine si lon pouvait encore voir une pie, une corneille ou un autre oiseau » écrit un chroniqueur de Magdeburg ; - en 1578 : épizootie frappant les poules à Paris ; - en 1614 : épidémie mortelle chez les hommes en Bohème, contemporaine dune épizootie chez les poules qui « se réunissaient à 6 ou 7, mettaient les têtes ensemble, tombaient à terre et mourraient »(3) ; - en 1656 : « énorme mortalité de pélicans aux Antilles »3 ; - en 1714 : les pigeons de Paris sont atteints de « petite vérole » et on ordonne leur abattage général « parce quon croyait quils transportaient le virus chez les hommes et les brebis » (3) ; - de 1718 à 1721 : les oies sont particulièrement touchées en 1718 et 1719 en Silésie et la maladie sétend aux cigognes en 1721 ; - en 1769 : mortalité générale des oies dans le Hanovre ; - en 1774 : selon la Gazette de la santé (février), 600 oies seraient mortes aux bords de la Meurthe en Lorraine, après avoir présenté des symptômes de diarrhée et des vertiges ; - en 1789 : épizootie grave chez les poules en Italie du Nord (3). Les symptômes décrits sont ceux dune maladie infectieuse, les lésions affectant les appareils respiratoire et intestinal ; - de 1830 à 1831 : série dépisodes de mortalité aviaire (attribuée au choléra humain) dans toute lEurope. Les cas les plus graves commencent dans le Duché de Poznen en Pologne. Une excellente description en est faite (3) : « les premières attaquées furent, en général, les oies, puis les canards et les dindons, les dernières les poules. Il y en avait qui avaient la diarrhée, ils commençaient à boiter (
) ne purent plus marcher, se reposaient sans pouvoir se relever (
) et moururent subitement (
) ; on dit que la maladie sest également montrée sur les canards sauvages du lac de Golpo ». En 1831, la maladie est observée en Moravie et en Silésie : « les poules, les canards et les oies furent subitement attaquées (..), devinrent tristes, ne mangèrent plus, la tête senfla, devint bleue et bientôt la mort entra » ; - en 1763 : épizootie aviaire dans toute lEurope, attribuée à la fièvre aphteuse ; - en 1830 : nouvelle épizootie européenne, attribuée au choléra humain ; - en 1841 : « une quantité inouïe de canards sauvages, la plupart morts, furent rejetés par la mer aux côtes du départ des Landes (..), la masse totale des oiseaux pris pouvait monter à 20 000 » (3 ); - de 1880 à 1900 : nombreux épisodes de mortalité des volailles, dont certains dus à la peste aviaire vraie ; - en 1948 : cas très probables de peste aviaire chez des poules, des dindons et des canards en France.
et souvent des oiseaux sauvages. - La première ayant eu lieu en lan 571, daprès Shortdans, rapportée dans "A General Chronological History of the Air" : « Le 24 septembre, il y eu un grand combat et une hécatombe doiseaux sauvages ». Ce combat fut suivi de nombreux autres : - en 942, une bataille eu lieu en Irlande, rapportée dans les "Annals of Clonmacnoise" : « on assista à une querelle entre les oiseaux marins et terrestres à Clonvicknose, au cours duquel ce sont les corbeaux qui furent massacrés » ; - en 1366, Short rapporte une autre bataille, entre moineaux anglais, suivie dune épidémie humaine : « cette année, survint aussi une grande querelle entre moineaux, qui tourna en une bataille rangée au cours de laquelle dinnombrables combattants perdirent la vie. Il sen suivit une importante mortalité chez les êtres humains, dont beaucoup furent trouvés morts le matin, alors quils sétaient couchés en bonne santé la veille »(2).
Aucune de ces descriptions, si bien faite soit-elle, ne permet bien sûr de reconnaître linfluenza aviaire hautement pathogène. Toutefois, certains symptômes évoquent bien cette maladie, de même que certains traits épidémiologiques (premières manifestations de lépizootie chez les oies ou les canards). Les épisodes de 1366 en Angleterre chez les oiseaux sauvages ou de 1614 en Bohème chez les volailles, évoquent, par ailleurs, pour la première fois, une concomitance entre épidémie humaine et épizootie aviaire. Fin du XIXème siècle : la vraie peste aviaire est enfin caractérisée La découverte de lagent de la peste aviaire vraie fut un épisode assez confus de lhistoire des maladies microbiennes, qui sest déroulé principalement en Italie, mais aussi dans dautres pays, notamment lAutriche. En effet, après les premières découvertes de Louis Pasteur, tous les chercheurs européens entreprennent une course à lisolement des microbes pathogènes de lhomme et des animaux, et ceux des maladies aviaires ne font pas exception à la règle. Dans le cas de ces maladies, cest le microbe du choléra des poules, Pasteurella multocida, qui fut le premier observé au microscope (en 1878, par Semmer et Perroncito) et cultivé (en 1879 par Toussaint). Le nom de « choléra des poules » fut utilisé par Maillet en 1836 qui précisa : « ce nom (de choléra des poules) est celui sous lequel elle (la maladie) est vulgairement désignée ». Cette appellation fantaisiste ne sera pas la dernière : « vache folle », « poulet fou », etc. suivront bientôt !
Cependant, dès 1880, Rivolta et Delprato rapportèrent quil existait une maladie dont les caractères cliniques étaient différents de ceux du choléra (1) : ils appelèrent « typhus exsudatif » cette nouvelle maladie qui, selon Nocard et Leclainche, rappelait la peste aviaire vraie. De nombreux microbiologistes européens tentèrent alors, sans succès, den isoler lagent causal. Si cest bien Mazza qui fut le premier à reconnaître, en 1899, quil ny avait aucune bactérie dans le sang du cur des oiseaux morts, suivi par Lüpke en 1901, ce furent finalement Centanni et son élève Savonuzzi qui élucidèrent le mystère en 1901 (1). Ils écrivirent alors : « cette maladie nest ni le choléra des poules, ni une infection due à un virus décelable par les méthodes actuelles ». Peu après, ils firent connaître les particularités de lagent causal de cette nouvelle maladie, quils baptisèrent :"peste aviaria". La plus importante de ces particularités était certainement son aptitude à traverser les filtres en terre poreuse et limpossibilité de le cultiver en milieux artificiels qui le distinguait définitivement dune bactérie (1).
A partir de 1959, les épizooties de « pestes aviaires » rapportées par les services vétérinaires officiels sont donc clairement distinguées en épisodes dinfluenza aviaire hautement pathogène dune part et épisodes de maladie de Newcastle dautre part, et toujours sur la base dune analyse de laboratoire. Depuis cette date, plus de 25 épisodes dinfluenza aviaire hautement pathogène (à virus H5 ou H7) ont été officiellement déclarés dans le monde entre 1959 et 2004, et notamment en 1959 (Ecosse), 1961 (Afrique du Sud), 1966 (Canada), 1976 (Australie), 1983 (Etats-Unis), 1994 (Mexique), 1995 (Pakistan), 1997 (Hong-Kong : première mortalité humaine liée à une contamination par les oiseaux), 1997, puis 1999 (Italie) et 2003 (Pays-Bas : abattage de 32 millions de volailles, coût direct de 290 millions deuros..). Pratiquement tous ces épisodes ont pu être maîtrisés par des mesures de prophylaxie sanitaire ou médicales. Nous connaissons la suite : à partir de 2003, de très nombreux cas dinfection des volailles par le virus H5N1 ont été signalés dans la région Asie-Pacifique, et ils sétendent progressivement en Europe, puis en Afrique, puis
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Mais lhistoire des maladies animales et humaines nous enseigne aussi la prudence et lhumilité et nul ne sait si la prochaine pandémie sera due à un virus H5N1 ou à un tout autre virus grippal.
Pour en savoir plus : 2. Fleming G. - Animal plagues : their history, nature and prevention. London, Chapman and Hall, 1871, 548 p. 3. Heusinger C.F. Recherches de pathologie comparée - Cassel chez H. Hotop ; vol. I, 1853, 674 p. et vol. II, 1853, DXLIX p. 4 . Marr J.S. & Callisbert C.H. - « Alexander the Great and Wets Nile Virus Encephalitis » Emerg.Infect.Dis., 2003, 9: 1599 -1603. ..et voir aussi le site internet de lOrganisation mondiale de la santé animale : www.oie.int/fr/fr] Iconographie: |