Les lois alimentaires juives
La cacherout
Par le Docteur Bruno FISZON
Grand Rabbin de Metz et de la Moselle
Introduction
Le rcit biblique de la
Cration sÕarticule autour de la naissance du premier homme. La Bible ne se prsente pas comme un livre
dÕhistoire ou de science, mais comme un projet pour cet homme. Les dbats
passionns sur les contradictions entre le rcit de la Gense et les documents
scientifiques apparaissent aujourdÕhui dpasss. Prendre le texte biblique la
lettre et dmontrer son incohrence scientifique semble tre une dmarche
errone. Face lÕapparition des thories de lÕvolution et des donnes
scientifiques sur lÕanciennet du monde, certains matres du judasme nÕavaient
pas hsit affirmer que cela ne remettait pas en cause la vracit du Texte
de la Torah. Les jours bibliques pouvaient parfaitement correspondre des
priodes gologiques !
La science pose la
question COMMENT ? La religion sÕintresse au POURQUOI ? La Torah
(les 5 premiers livres de la Bible, ou Pentateuque) considre lÕhomme comme le
couronnement de la Cration et sÕadresse lui pour lui proposer un modle de
vie.
Dans ce chemin thique, lÕhomme doit dfinir sa place dans la Cration. Plac
au sommet de la chane alimentaire, il doit concevoir une relation harmonieuse
avec lÕensemble des cratures et en particulier lorsquÕil sera amen les
consommer. LÕacte de sÕalimenter est un geste trs basique, que nous partageons
avec lÕensemble du monde vivant (comme lÕest lÕailleurs lÕacte de se
reproduire). La Torah nous propose de rglementer cet acte. Celui qui sÕy
soumettra tentera de vivre un acte trs animal comme un geste minemment humain
au sens noble du terme ; manger peut aussi obir une certaine
thique !
Rgime alimentaire
idal et rgime carn
Adam le premier homme du
rcit biblique tait vgtarien. Ē LÕEternel dit : Voici, je vous
donne toute herbe portant de la semence et qui est la surface de toute la
terre, et tout arbre ayant en lui du fruit dÕarbre et portant de la
semence : ce sera votre nourriture Č. (Gense I, 29, Pentateuque 1978).
Ainsi lÕanimal, crature
divine, tait prserv dans son existence et lÕhomme tait cens de par son
alimentation vgtale demeurer un tre pacifique dpourvu de violence.
Ē La terre fut corrompue, devant lÕEternel et la terre fut emplie de
violence Č (Gense VI, 2, Pentateuque 1978). LÕEternel dcida dÕeffacer
cette humanit pour tenter une nouvelle histoire partir de No. Cet homme et
sa famille furent choisis pour leurs vertus. Ils seront source dÕune nouvelle
humanit et chargs de sauver lÕensemble des espces animales grce
lÕArche ! Toutefois, cette nouvelle Gense sÕaccompagna dÕune profonde
modification du rapport entre lÕhomme et les animaux. LÕEternel autorisa ds
lors la consommation de la chair animale. Ē Tout ce qui remue et qui vit
vous servira de nourriture, comme lÕherbe verte, Je vous ai donn tout
cela Č (Gense IX, 3 Pentateuque 1978).
DÕaprs le Matre Don
Isaac Abravanel (Espagne, Italie, 1438 Š 1508) dans son commentaire sur ce
verset. Le vgtarisme tait lÕidal, mais lÕEternel a fait l une concession
la faiblesse de lÕhomme car il y a eu dgradation des valeurs morales de
lÕhumanit (Munk 1978).
Mamonide, le clbre
Rabbin, philosophe et mdecin mdival (1135-1204) explique que les animaux ont
du leur salut lÕhomme, No, qui les a sauvs du dluge et par consquent il
peut en disposer son gr (Mamonide, Guide des Egars 1963).
Le commentateur Ibn Ezra
explique quÕavant le dluge, les hommes se sont compars aux animaux et ont
considr quÕils nÕtaient pas responsables de leurs actes car ils suivent leur
instinct naturel. Cette mentalit fut lÕorigine mme de la perversion de
lÕhumanit et de sa destruction par les eaux du dluge. Ainsi en permettant
lÕhomme de mettre mort lÕanimal pour le manger, la Torah tablit une
hirarchie. Certes les animaux sont des cratures divines mais lÕhomme cr
lÕimage du Tout Puissant doit rester sans conteste en haut de la
Ē pyramide de la vie Č (Torah 2004).
Rabbi Moch Cordovero,
dans son ouvrage Tomer Debora, dans le mme ordre dÕides, explique Ē lÕUnivers
tout entier ressemble un Temple o tout chante la gloire du Seigneur Č.
Sur tous les degrs de lÕchelle qui mne des profondeurs de la vie aux rgions
les plus sublimes de lÕEsprit, tous les lments aspirent vers les cimes et
cherchent se rapprocher de la source divine sacre dÕo manent la vie et la
bndiction. Il existe en effet dans la nature un ordre hirarchique qui
sÕtend jusquÕaux lments organiques diffrencis selon la mesure de la
vitalit quÕils reoivent de la source suprme de lumire Č (Munk, 1978).
Ainsi la consommation de
nourriture relie lÕhomme son milieu et lui donne un sens. Le type de relation
avec les aliments traduit sa place et son rapport dans lÕunivers. Le rgne
vgtarien nÕa pas permis lÕlvation de lÕhomme, il faut donc une nouvelle
pdagogie : lÕalimentation carne. LÕhomme, en consommant les tres
infrieurs, les intgre et lve lÕensemble de la cration vers sa source
cleste.
Bien videmment ce
projet, aussi spirituel soit-il, ne peut sÕaccomplir quÕavec des rgles trs
strictes et trs prcises qui permettent lÕhomme de transformer lÕacte banal
de manger de la chair animale en un geste spirituel et pdagogique.
Rgime carn et
respect de lÕanimal
La
possibilit de manger de la viande nÕautorise pas lÕhomme disposer sans
aucune limite des cratures du monde vivant.
Il
a tout dÕabord lÕobligation de prserver le monde dans lequel il volue.
Ē LÕEternel plaa lÕhomme dans le jardin dÕEden pour le travailler et le
garder Č (Gense II, 15,
Pentateuque 1978) Il ne doit pas dtruire lÕoeuvre de la cration ! Une
loi juive trs particulire illustre cette Ē volont cologique du Texte
biblique Č.
Un
homme rencontre en chemin un nid dÕoiseaux. Une femelle veille sur ses Ļufs ou
ses oisillons, et elle appartient une espce permise la consommation.
LÕhomme pourra se saisir des Ļufs et des oisillons condition de renvoyer la
mre, permettant ainsi lÕespce de se perptuer ! (Halvy A. 1240)
Parmi
les rgles de comportement vis--vis des animaux, le judasme prne lÕexclusion
de toute cruaut.
Ainsi
sÕexprime le Texte biblique. Ē Toutefois la chair, tant que son sang
maintient sa vie, vous nÕen mangerez pas Č (Gense IX, 4 Pentateuque 1978).
Pour le Rabbi Salomon fils dÕIsaac de Troyes (Rachi, 1040-1105), la
consommation dÕun membre dÕun animal encore vivant est illicite et relve dÕune
grande cruaut. Cette prescription fut ordonne No au lendemain du dluge et
sÕadresse donc lÕensemble de lÕhumanit.
Il
existe une forme leve de compassion pour lÕanimal et une prise en
considration de sa souffrance dans le judasme. De nombreuses lois interdisent
cette souffrance, appele par le terme hbraque Tsaar Baal Hayim. Pour
le Rabbi Moch Isserless (1520-1573, Cracovie). La mise mort dÕun animal ne
serait permise que dans le cas de sa consommation et ou de son utilit au
niveau mdical (Weill E. Choulhan Arouh 1975).
Ainsi
chasse ou tauromachie nÕont pas leur place dans lÕunivers dÕun juif pratiquant.
Quelques autres lois illustrent cette pense (liste non exhaustive).
Ē Il
est interdit un homme de manger toute nourriture avant dÕavoir nourri ses
animaux ; dit le Talmud de Babylone (Trait Berahot 40a).
Le
Chabbath, jour de repos, sÕimpose aussi aux animaux Ē Tu ne feras aucun
travail, toi, ton fils, ta fille, ton btailÉ Č (Exode XX, 10, (Pentateuque 1978).
Ē Un
homme doit connatre lÕme animale Č (Proverbes XII, 10).
Le
Rabbin Eliya de Vilna explique : il ne doit pas le nourrir plus que de
mesure ni lui imposer un labeur au-del de ses forces (Eliya de Vilna, 1770).
Ē Gros
ou petit btail, vous nÕgorgerez pas lÕanimal avec son petit le mme jour Č
(Lvitique XXII, 48, Pentateuque 1978).
Mamonide
considre quÕil existe un instinct maternel chez lÕanimal proche de celui de la
femme (Mamonide, Guide des Egars III, 48)
Ē Ne
muselez pas le bĻuf pendant quÕil foule lÕherbe (Deutronome XXV, 4,
Pentateuque 1978).
LÕabattage
rituel lui-mme a pour but de limiter la souffrance animale (Halevi A. 1240). Ce dernier point fera
lÕobjet dÕun dveloppement particulier.
Il
existe mme une sanction pour un acte de cruaut envers lÕanimal (Hechassid Y. 1200).
Les
animaux permis et interdits
En
prambule, il est remarquable de constater comment les anciens Hbreux, grce
aux enseignements bibliques savaient classer les animaux par critres
anatomiques avant mme les premires classifications scientifiques (Gense I,
24, Pentateuque 1978).
Ē Les
tres anims sont crs selon leur espce Č. Le livre du Lvitique,
troisime ouvrage du Pentateuque au chapitre XI nonce les grandes catgories
animales et distingue quatre catgories :
-
les
animaux terrestres (assimilables aux mammifres)
-
les
animaux aquatiques
-
les
animaux ariens (les oiseaux)
-
les
animaux qui se meuvent sur le sol (reptiles, batraciens, invertbrs)
(Lvitique XI, Pentateuque 1978).
a) Les mammifres
ĒVoici les animaux que
vous pouvez manger parmi toutes les btes qui vivent sur terre : tout ce
qui a le pied corn et divis en deux ongles parmi les animaux ruminants, vous
pouvez les manger Č. (Lvitique XI, 1 8, Pentateuque 1978).
Ainsi pour les
mammifres, deux critres sont indispensables pour quÕun animal soit dclar cacher (= apte tre
consomm).
-
Etre
un ongul portant deux doigts chausss de sabots
-
Etre
ruminant.
Dans le Deutronome, le
lgislateur Mose dresse une liste (non exhaustive) de 10 animaux qui runissent
les deux conditions. Leur traduction et identification peuvent toutefois prter
interprtation : le bĻuf, la brebis, la chvre, le cerf, le chevreuil,
le daim, le bouquetin, lÕantilope, lÕauroch et le zemer (Deutronome XIV,
4 et 5, Pentateuque 1978).
Chaque espce en fait
reprsente une famille, ainsi, sous le vocable bĻuf, il faut comprendre tous
les bovins (bison, buffleÉ)
DÕautres espces possdent les deux critres de cacherout sans tre cits, mais
leur consommation se heurte des problmes techniques (on ignore quel niveau
du coup de la girafe doit-on effectuer lÕabattage rituel).
La connaissance des matres
du Talmud en zoologie tait remarquable. Ainsi sÕexprime le Talmud :
Ē Le Matre du Monde sait quÕil nÕy a pas un ruminant qui ne soit pas
onguligrade, sauf le chameau et il nÕy a pas un onguligrade au pied fourchu qui
ne rumine pas, sauf le porc, et cÕest pour cela que la Bible les a cits Č
(Talmud de Babylone Houlin 59a).
Ainsi lÕinterdiction du
porc est donc cite nominativement.
Cet interdit nÕest en
aucun cas plus grave que dÕautres (cheval, lapin) comme certaines croyances
populaires les vhiculent, mais est cit titre dÕexemple de la profonde
connaissance des Rabbins en la matire et ce depuis les premiers sicles de
notre re. Ils ajoutent mme dans ce trait dÕautres critres
anatomiques ; comme lÕabsence dÕincisives la mchoire suprieure et la
prsence de cornes, permettant de sÕaffranchir de la recherche des critres
Ē ruminants Š sabots fendus Č pour autoriser un animal la consommation
(Dor. M. 1956).
b) Les animaux
aquatiques
Ē Voici ce que vous
pouvez manger des divers animaux aquatiques : tout ce qui est dans les
eaux, mers, rivires et pourvu de nageoires et dÕcailles, vous pouvez en
mangerÉ Č
Ainsi sont exclus tous
les invertbrs : mollusques, crustacs et autres fruits de mer.
Le code de loi appel Choulhan
Harouh, rdig par le Rabbi Yossef Caro (1488-1575) (Ē La table dresse Č) prcise
les critres anatomiques des poissons autoriss (outre la prsence dÕcailles
et de nageoires).
-
Prsence
dÕune colonne vertbrale
-
Ecailles
mme fines mais visibles la lumire
-
Īufs
mis au moment du frai non embryonns
-
Vessie
natatoire pointue dÕun ct et obtuse de lÕautre.
Pour
le Docteur Pargamin, Ē ces critres permettent de classes les poissons
parmi les Teleosteens, poissons osseux et actinoptrygiens pourvus dÕun
squelette compltement ossifi et dÕun corps recouvert dÕcailles Č. Un
grand nombre dÕespces sont permises. Parmi les espces interdites les plus
courantes : requin, raie, baudroie, anguille, lamproie, turbotÉ
Les
poissons nÕont pas subir dÕabattage rituel. Ils doivent tre simplement sortis
de lÕeau vivants.
c)
Les oiseaux
La
Torah ne donne pas de critre anatomique pour distinguer les oiseaux cachers,
mais donne une liste de 24 animaux prohibs (Levitique XI, 13 19, Pentateuque 1978).
Citer
cette liste serait inutile car les traductions semblent pour beaucoup trs
alatoires.
Le
Talmud tablit plus tard des caractristiques plus claires (Talmud de Babylone
Trait Houlin 65a 1882).
-
Ne
pas tre un oiseau de proie
-
Prsence
dÕun jabot (zephek en hbreu), soit un diverticule de lÕĻsophage avant quÕil nÕentre
dans la cage thoracique. Les aliments y sjournent un certain temps pour se
ramollir
-
-Prsence
dÕun gsier dont la tunique intrieure ou muqueuse se dtache facilement de la
musculeuse (caractristique des granivores et des non carnivores).
-
Existence
dÕun doigt supplmentaire ou ergot. Il faut ajouter quÕil doit exister une
tradition que lÕoiseau a toujours t considr comme permis. (Shapiro D.
1930).
Ainsi
sont consommables : poule, oie, canard, dinde, perdrix, caille, pigeon,
pintade.
Autres
animaux
Ils
sont tous prohibs lÕexception de quatre espces de sauterelles Ē Tout
insecte ail qui marche sur quatre pattes sera immonde pour vous. Toutefois,
vous pourrez manger parmi les insectes ails marchant sur quatre pattes, celui
qui a au-dessus de ses pieds des articulations au moyen desquelles il saute sur
la terre, vous pourrez manger les suivants : lÕarb selon ses espces, le
solam selon ses espces, le hargol et le hagal selon leurs espces. Ces espces
de sauterelles ou criquets sont bien difficiles aujourdÕhui identifier (Lvitique XI, 21-22 Pentateuque 1978).
Signification
du choix des espces cachres
Ecartons
dÕemble les thories anciennes attribuant aux animaux interdits le statut dÕanimal
sacr ou de totem comme lÕcrit Reinach Ē Les Juifs pieux sÕabstiennent de
manger du porc parce que leurs lointains anctres, 5 ou 6000 ans ans avant
notre re, avaient pour totem le sanglier Č (Reinach 1909). Cette thorie
est erronne, car les lois alimentaires nÕinterdisent pas un animal en soi,
mais noncent des critres anatomiques et physiologiques qui cartent de vastes
catgories du monde animal !
On
pourra toutefois trouver dans le choix des espces des raisons pdagogiques.
Les mammifres consomms sont tous de stricts herbivores dont la spcialisation
dans ce rgime au cours de lÕvolution est amene son summum. Mme parmi les
oiseaux, les carnivores sont carts (oiseaux de proie). Le rgime alimentaire
peut tre considr comme ayant un impact sur le comportement. Ainsi lÕhomme
est invit des mĻurs pacifiques. Cette explication porte un certain nombre de
faiblesses et on peut considrer que les lois alimentaires font partie de ce
domaine du Hoq en hbreu. Ce terme dfinit des lois dont la raison chappe
encore aujourdÕhui une explication rationnelle. La tche des rudits reste
toujours de chercher en lucider le sens.
LÕinterdiction
de la consommation du sang
La
Torah interdit la consommation du sang des mammifres et des oiseaux : Ē Toutefois
la chair, son me est dans le sang Č
(Gense II, 4, Pentateuque 1978) Ē car lÕme de toute chair est
dans le sang Č (Lvitique XVII, 11, Pentateuque 1978) Ē car lÕme de
toute chair cÕest son sang qui est dans son corps, aussi ai-Je dit aux enfants
dÕIsral : Ne mangez pas le sang dÕune crature Č (Lvitique XVII, 14,
Pentateuque 1978). Rachi, Rabbi Salomon Isaac de Troyes (1040-1105), le
commentateur mdival explique Ē son sang est le principe de vie, car la
vie en dpend Č.
Comment
comprendre ce terme me appliqu lÕanimal. Le mot me en franais est assez
vague et regroupe en fait plusieurs notions diffrentes. La Nechama ou me humaine en
hbreu sÕidentifie au moi profond de lÕhomme et atteste de sa conscience
humaine. Elle survit la mort physique, le Nefech ou me animale est lui
prsent chez toutes les cratures volues et sÕapplique tout animal ayant un
principe de vie organis, centralis et possdant une certaine sensibilit (vertbr).
Chez lÕanimal suprieur (Homotherme) le sang est le support du principe de vie
ou Nefech.
Si cette me animale se distingue de lÕme humaine, elle mrite notre respect,
ainsi le sang, son support matriel doit tre cart de notre consommation. Les
mammifres sauvages (cerfs, daimsÉ) cachers et les oiseaux bnficient mme
dÕune rgle supplmentaire. Aprs lÕabattage rituel le sacrificateur a
lÕobligation de couvrir le sang ainsi rpandu avec du sable ou de la terre
(Caro J., 1575 Choulhan Arouh Yor da XXVII, 1).
DÕautre
part, il serait aussi nfaste que lÕhomme ingre le sang porteur de lÕme
animale pour rester symboliquement un tre suprieur qui ne confond pas son me
avec celle des tres infrieurs.
Enfin, les retombes sanitaires de cette rgle sont bien connues. Le sang est
porteur de toxines et constitue un excellent milieu de culture pour les
microorganismes en tous genres.
LÕabattage
rituel ou Shehita permet de raliser une saigne importante. Il est
complt par un traitement de la viande par le sel (une demi-heure dans lÕeau,
une heure dans le gros sel et rinage).
Autres
interdits
Le
nerf sciatique et toutes ses ramifications est interdit pour les mammifres.
Ceci rsulte de la lutte de Jacob et de lÕange. Ē CÕest pourquoi jusquÕ
ce jour les enfants dÕIsral ne mangent pas le nerf sciatique qui est la hanche
parce quÕil (lÕange) toucha lÕarticulation de la hanche de Jacob, le nerf
sciatique Č (Gense XXXII, 32, Pentateuque 1978).
Dvelopper
les raisons symboliques de cet interdit dpasserait largement le cadre de cette
tude. En Europe, les tablissements cachers pour des raisons pratiques ne
commercialisent que les avants de lÕanimal. Les graisses de la partie arrire
de lÕanimal sont interdites (heleve ou suif) car elles
taient brles sur lÕautel des sacrifices du Temple de Jrusalem.
Enfin,
le mlange de produits laitiers et carns est strictement prohib.
Ē Tu
ne feras pas cuire un chevreau dans le lait de sa mre Č (Exode XXXIV, 26,
Pentateuque 1978). Selon
lÕinterprtation de nos sages, il est interdit de raliser mlange lait-viande,
de le consommer ou dÕen tirer profit (Halevy A., 1240).
La
symbolique dÕune telle loi sÕexplique par le refus de mlanger le lait, symbole
de la vie (lÕaliment de base du nouveau-n et la viande pour laquelle il a
fallu donner la mort.
Certains
ditticiens modernes prconisent la sparation de ces deux entits.
Les
bases religieuses de la shehitat ou abattage rituel
a)
SOURCES
Le
texte rvl de la Torah fait obligation pour le peuple juif dÕutiliser la Shehitat
comme le mode dÕabattage des animaux sang chaud dont la consommation est
autorise.
La
source essentielle de lÕabattage rituel pour la consommation profane de viande
se trouve dans le Deutronome : Ē Quand lÕEternel Ton D. aura tendu
ton territoire comme Il te lÕa promis et que tu diras Ē je veux manger de
la viande Č parce que tu auras envie de manger de la viande autant que tu
auras envie (etcÉ) tu pourras tuer de la manire dont Je tÕai prescrite de ton
gros et de ton menu btail que tÕauras donn lÕEternel, et du pourras manger dans
tes portes autant que tu le dsireras Č (Deutronome (XII, 20, 21, Pentateuque 1978).
Le
Trait du Talmud de Babylone Houlin 28a nous donne les impratifs techniques de
la shehitat
-
Section
de la trache et de lÕĻsophage en majorit pour els mammifres ruminants et les
onguls.
-
Section
de lÕun de ces deux organes en majorit pour les oiseaux.
b)
LA TECHNIQUE DÕABATTAGE
Le sacrificateur ou Shohet
Tout homme majeur en pleine possession de ses
facults intellectuelles peut abattre rituellement (Talmud de Babylone Trait
Houlin 2a 1882)
Rabbi Moch Isserls (le Rema) (1520-1573) explique
dans ses remarques que le Shohet (le sacrificateur) doit, malgr ses
connaissances thoriques impratives, se soumettre un examen devant un Sage
qui lui dlivrera une Kabala ou autorisation dÕabattre lie ses connaissance
et sa dextrit technique.
Un Shohet mme expriment doit tcher de rviser
en permanence les enseignements thoriques de la shehitat.
Le shohet doit galement rpondre des exigences
morales et de fidlit la Torah. On ne pourra pas donner par exemple de Kabala un homme qui boit
de lÕalcool plus que de mesure Ō (Caro J., 1572, Choulhan Arouh
Yor Da 1, 1).
Le Tribunal rabbinique doit effectue des
contrles permanents de lÕaptitude des sacrificateurs. Toute faute peut
entraner un retrait partiel de la Kabala, une faute morale entrane un retrait
dfinitif.
Le couteau ou Halef
Les dimensions du couteau sont lies aux
principes halakhiques. Ainsi pour permettre lÕ Ē aller-retour Č
lors de la section, il possde deux fois la largeur du cou de lÕanimal. Son
extrmit est rectiligne ou arrondie, jamais pointue. Il est fait en un
matriau solide (acier tremp).
Le Trait du Talmud de Babylone, trait Houlin 17b indique quÕil y a ncessit
de vrifier le couteau Ē il faut faire lÕpreuve du couteau sur ses trois
cts (le fil et chaque face du fil) lÕaide du doigt et de lÕongle Č (Commentaire
du Rabbi Salomon de Troyes).
Rachi explique dans son commentaire sur le
Talmud trait Houlin 17b, que si le couteau est brch, les organes (trache
et Ļsophage) risquent dÕtre accrochs par lÕbrchure et arrachs de leur
insertion. Tout animal abattu avec un couteau qui se sera rvl brch (mme
aprs abattage) est impropre la consommation (Caro J., 1575, Choulhan
Arouh Trait Yor Da 18, 1 et 18, 9).
La contention
Il nÕexiste pas de rgles halakhiques prcises
quant la contention. Toutefois la Shehitat ne pourra se
pratiquer sur un animal malade ou ne pouvant se tenir debout (Caro J., 1575, Choulhan
Arouh, Yor Da, 17, 1).
LÕanimal doit tre conscient, ce qui exclue tout
tourdissement pralable. Un dcisionnaire contemporain, le Rav Yitzhak
Weiss, dans son ouvrage Minhat Ytzhak, chapitre 2, indique que
toute anesthsie avant abattage rendrait lÕanimal impropre la consommation.
Enfin, la meilleure position pour pratiquer la
shehitat est le dcubitus dorsal permettant dÕviter une pression du couteau
(Derassa) proscrit par la loi juive.
4. La Shehitah : le geste technique
Le sacrificateur prononce la bndiction dŌusage
puis il applique son couteau aprs avoir tendu le cuir pour obtenir une
incision franche. Le lieu de la shehitat est dfini en amont par le larynx, en
aval par la bifurcation de la trache (Caro J., 1575, Choulhan Arouh, trait Yor Da, 20, 1).
LÕincision doit se pratiquer au milieu du cou (Caro
J., 1575, Choulhan Arouh, traitYor Da 20, 3).
Comme indiqu ci-dessus, la section de la
majorit de lÕĻsophage et de la trache pour les mammifres et de la majorit
de lÕun des deux pour les oiseaux est imprative (Caro J., 1575, Choulhan Arouh,
trait Yor Da 21, 1). Le geste est un mouvement continu dÕaller et retour et
dure 1 2 secondes.
LÕgorgement selon les critres halakhiques
ci-dessus entrane une section invitable dÕautres organes tels que jugulaires,
carotides, nerfs vagues, rcurrents et sympathiques. Le shohet doit veiller
sÕarrter aux vertbres cervicales sans les toucher de peur dÕendommager le couteau.
Cinq erreurs disqualifient la shehitat :
-
SHEHIYA : interruption du
mouvement dÕaller-retour (Caro J. 1575, Choulhan Arouh trait Yor Da 23, 2)
-
DERASSA : pression du
couteau sur le coup de lÕanimal (Caro J. 1575 Choulhan Arouh trait Yor Da
23, 11)
-
HALADA : perforation en enfouissement
de la pointe (Caro J. 1575 Choulhan Arouh trait Yor Da 24, 7)
-
HAGRAMA : glissement du couteau
entranant une erreur de localisation (Caro J. 1575, Choulhan Arouh trait Yor
Da 24, 12)
-
HIKKOUR : arrachement de
la trache et du larynx de son insertion (Caro J. 1575, Choulhan Arouh trait
Yor Da 24, 15)
Cette
rigueur dans lÕacte a pour motivation principale la rapidit dÕexcution et la
diminution optimale de la souffrance de lÕanimal.
Raison de lÕabattage
rituel
La
compassion pour lÕanimal un facteur important qui motive lÕacte de Shehitat. Un
auteur ancien explique Ē En pratiquant cette section en cet endroit avec
un couteau bien effil nous pargnons la bte toute souffrance inutile car la
Torah a seulement permis lÕhomme de consommer la chair des animaux selon ses
besoins, mais elle ne lÕautorise pas faire souffrir lÕanimal Č (Halevy
A., 1240). Un auteur contemporain, le Rabbin Ytzhak Weiss reprend cette ide et
explique que si la shehitat voulait viter la souffrance animale alors il
est clair que cÕest la meilleure mthode pour donner la mort (Weiss Y. 1980).
Abattage rituel et
souffrance animale
Objet
de nombreux travaux et surtout de nombreux dbats, lÕabattage rituel est une
mthode peu douloureuse en comparaison dÕautres mthodes. Le dmontrer par des
exprimentations serait ici hors sujet et ncessiterait un trs long
dveloppement. Prcisons simplement que la section des carotides entrane une
hmorragie massive entranant une chute de pression artrielle dans le systme
nerveux central et une mise hors jeu rapide des neurones (se traduisant par la
perte de conscience) (Levinger, 1995).
Abattage
rituel, hygine et sant
La
saigne massive est un important facteur dÕhygine. DÕautre part, lÕabattage
rituel a t un lment protecteur face lÕESB ou maladie de la vache folle.
En effet, au cours de cet acte technique, aucun contact nÕa lieu avec la
matire crbrale, lieu de la prsence des prions pathognes.
Les
vrifications aprs abattage
Aprs
lÕabattage, un contrle ou bediqua est effectu sur les diffrents organes. Un
grand nombre de pathologies et de squelles de pathologie rendent lÕanimal non cacher (impropre la
consommation).
LÕorgane
le plus souvent responsable dÕune mise lÕcart de la carcasse est le poumon.
Toute lsion mais aussi toutes adhrences tenaces entre les lobes ou avec la
paroi costale rendent lÕanimal taref (impropre la consommation) (Caro J. 1575,
Choulhan Arouh, Yor Da 36).
Une
certaine corrlation est constate avec les contrles vtrinaires. Ainsi,
depuis plus de 2000 ans, les Juifs veillent la qualit sanitaire de la
viande.
CONCLUSION
Les
lois alimentaires ou lois de la cacherout sont des donnes fondamentales du
judasme. Elles participent avant tout dÕune volont de prservation
identitaire. Une alimentation spcifique est pour chaque peuple un lment cl
de sa culture.
Au-del
de cela, elles sÕinscrivent dans une volont de transformer les actes humains
les plus matriels (sÕalimenter) en gestes porte spirituelle. LÕhomme
transforme sa table en un lieu dÕdification mais aussi dÕchange avec autrui. Ces
lois imposent un choix minutieux de son alimentation. Ainsi lÕhomme nÕest plus
un consommateur immdiat mais interpose entre lÕaliment et son corps qui va
lÕingrer une certaine forme de rflexion. Au-del de sÕalimenter, les rgles
de cacheroute sont un facteur de civilisation. Le respect de lÕanimal en tant
que crature divine est aussi une notion fondamentale du judasme. Toutefois,
lÕhomme doit toujours rester au sommet de la Cration, il est par essence
suprieur aux autres cratures et doit toujours tre considr comme tel. Ne
pas tre confondu avec lÕanimal ! Ainsi lÕhomme doit pouvoir utiliser ce
dernier lorsquÕun besoin vital sÕimpose (alimentation, sant ou animaux
dangereux) et uniquement dans ce cas.
Mais
l, lÕhomme doit sÕefforcer dÕagir en cartant toute espce de cruaut. Il
semble bien que la shehitat ou abattage rituel pratiqu dans toutes les
rgles de lÕart prsente des garanties de limitation de la souffrance animale.
Respect
pour lÕanimal et considration de la valeur absolue de lÕhomme, sont les
garants dÕune progression souhaitable et possible de lÕhumanit.
Manger
cacher
cÕest raliser ce dfi : Ē Avoir un esprit saint dans un corps
sain Č.
Rsum
Chaque
Socit peut se dfinir par son Ē art de manger Č. Les lois
alimentaires juives ou lois de la cacherout constituent un des piliers
fondamentaux de lÕidentit juive. Ces lois ont des consquences hyginiques
indniables, mais leurs motivations sont ailleurs. La table devient un lieu
pdagogique o lÕhomme apprend et vit un certain nombre de valeurs. Parmi
elles, le respect de lÕanimal prend toute sa place. Crature divine, sa mise
mort obit un certain nombre de rgles dont le but est de diminuer sa
souffrance. Toutefois, lÕautorisation de consommer de la viande permet
lÕtablissement dÕune hirarchie entre la bte et lÕhomme qui doit rester au
sommet de la cration. Les lois alimentaires permettent aussi lÕhomme de ne
plus tre simplement un consommateur mais un tre intelligent donnant une
dimension spirituelle mme lÕacte de manger. Manger Cacher cÕest raliser ce
dfi
Ē Avoir
un Esprit Saint dans un corps sain Č.
Mots-cls :
Lois alimentaires juives Š Cacher.
Summary
Every society can be
defined by its Ē art of eating Č. The jewish eating laws or ŅkosherÓ
laws are one of the bases of the Jewish identity. These laws have undeniable
hygienic consequences, but their motivations are elsewhere. The table has an
educational value where man learns and lives by a set of values. Among these
values respect for the animal takes pride of place. Being a divine Creature,
the way it is put down has to follow a certain number of rules, the aim of
which is to reduce its suffering. However the permission to consume meat enables
the setting up of a system of values between the animal and man who has to
remain at the top of the creation. Food laws allow man to be not only a mere
consumer but also an intelligent being who gives a spiritual dimension even to
the act of eating. Eating kosher is the achievement of a challenge :
ŅA holy mind in a sound
bodyÓ
Key words : Kosher Š
Jewish Food Laws.
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